Un peu d'histoire
La bataille de Koh Chang ? Inconnue au bataillon. Voilà ce que vous répondra la majorité de votre entourage si vous tentez le sondage. Pourtant, l’impact de ce pan de l’histoire sur le visage actuel de la Thaïlande se voit comme le nez au milieu de la figure. Architecturalement, d’abord, puisqu’il a motivé la construction du Victory Monument, au cœur de Bangkok. Politiquement, ensuite, puisqu’il s’agit de la seule et unique victoire navale, flotte contre flotte, des troupes françaises pendant les deux guerres mondiales. Mais aussi parce que cette bataille n’avait finalement aucune raison d’être. Alors pourquoi a-t-elle eu lieu ? « Pour comprendre, il faut se pencher sur les manœuvres politiques en France même l’année précédente. Il y avait pas mal de querelles de clocher au sein du gouvernement de Vichy à l’époque, Pétain ne s’entendant pas avec son président du conseil, Pierre Laval. Les deux hommes n’étaient pas du tout d’accord sur les directions à donner en termes de diplomatie étrangère, ce qui a contribué à mettre le projet de pacte de paix avec la Thaïlande en échec », explique Eric Mimé. Au début de la guerre, le Japon supporte mal la présence française en Indochine. Il souhaite profiter de la défaite française de 1940 pour parvenir à réaliser ses objectifs expansionnistes. Pour cela, le Japon souhaite utiliser son voisin siamois. La Thaïlande, elle, négociait alors depuis plusieurs mois avec la France un éventuel pacte de non-agression pour faire barrage aux puissants Japonais. Mais, brutalement, le pays retourne sa veste en déclarant que la signature d'un tel traité n'a aucune raison d'être. Pourquoi ? C’est que le Japon lui a proposé sa neutralité sur des territoires au Laos et au Cambodge. Désireux de venger l'affront qui avait été fait au royaume de Siam en 1893 et 1904 lors des traités territoriaux imposés par la France, le gouvernement du Premier ministre Plaek Pibulsonggram accepte donc cet accord. Dès la fin de 1940, le Siam revendique haut et fort sa souveraineté sur tous les territoires situés à l'est du Mékong, avant de mobiliser ses troupes aux frontières du Cambodge. Commence alors une série de provocations et d’occupation de territoires indochinois. La France réagit vivement et un véritable état de guerre s’installe entre les deux pays. Le 16 janvier 1941, la France lance une large contre-offensive terrestre sur les villages de Yang Dang Khum et de Phum Préav, où se déroulent de féroces combats. La contre-attaque française est un échec et s’achève par une retraite. Mais les Thaïlandais ne peuvent poursuivre les forces françaises, leurs chars ayant été cloués sur place par l’artillerie de Vichy. Le gouverneur général de l'Indochine, l’amiral Decoux, ordonne alors d'exécuter une opération contre la Marine thaïlandaise dans les eaux de Koh Chang. La bataille a lieu le lendemain. Deux heures de combat pour un bilan plus que lourd côté thaïlandais : trois torpilleurs coulés, et entre des dizaines et plusieurs centaines de mort, selon les estimations. La flotte française, elle, est intacte. « Mais le pays ne pourra jamais bénéficier de la gloire de cette victoire, puisqu’elle était l’ œuvre de Vichy »,
Par Eric Miné